Dommage environnemental à l'étranger : intérêt à agir des associations
Cet arrêt s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel caractérisé par une large admission de l’intérêt à agir des associations visant à obtenir la réparation des dommages environnementaux. Le contentieux le plus médiatique en la matière est incontestablement celui lié à ce qu’il est convenu d'appeler « l'affaire du siècle », qui s’est traduit par la condamnation, certes symbolique, de l'État pour « inaction climatique » (TA Paris, 3 févr. 2021, n° 1904967, 1904968, 1904972 et 1904976/4-1), mais c’est loin d’être le seul (v. not. CEDH 1er juill. 2021, req. n° 56176/18, 56189/18, 56232/18, 56236/18, 56241/18 et 56247/18).
Préjudice écologique survenu à l’étranger
Dans l’affaire ici jugée, il est question de deux associations françaises de protection de l’environnement ayant assigné en référé devant le tribunal judiciaire de Paris une société pétrolière pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice afin de procéder à des constatations au sein des locaux de cette société, situés en France. Cela en vue d'établir la preuve de faits de nature à engager sa responsabilité en raison de dommages environnementaux survenus en République démocratique du Congo. La société pétrolière mise en cause soutenait que la recevabilité de l’action des associations devant le juge français devait être décidée selon la loi congolaise, ce qui aurait pu empêcher les associations d’accéder aux preuves demandées. La cour d’appel de Paris avait validé la thèse de la société : pour déclarer irrecevable la demande des associations, elle avait considéré que ces dernières ne justifiaient pas, s'agissant d'une action attitrée, que la loi congolaise leur donnerait qualité pour agir au titre de dommages survenus en République démocratique du Congo. Selon les associations, leur demande devait, à l’inverse, être décidée selon le droit français, leur permettant dès lors explicitement d’agir en réparation de préjudices écologiques.
L’accès aux preuves facilité pour les associations
La Cour de cassation, censurant l’arrêt d’appel, donne raison aux associations. Elle juge, dans un arrêt qui se veut de principe et dont la portée va bien au-delà du droit de l’environnement, que « la qualité à agir d'une association pour la défense d'un intérêt collectif en vue d'obtenir une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile s'apprécie, non au regard de la loi étrangère applicable à l'action au fond, mais selon la loi du for en ce qui concerne les conditions d'exercice de l'action et selon la loi du groupement en ce qui concerne les limites de l'objet social dans lesquelles celle-ci est exercée ». En d’autres termes, la qualité à agir de l’association qui sollicite une mesure d’instruction s’apprécie de deux points de vue. D’abord, en ce qui concerne l’action en justice elle-même, ses conditions d’exercice sont analysées au regard de la loi du for, c’est-à-dire la loi du tribunal saisi. Comme il s’agit d’une juridiction française, la mesure d’instruction, pour être recevable, doit obéir aux conditions posées par l’article 145 du code de procédure civile, à savoir l’existence d’un « motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ». Ensuite, à l’aune de la capacité à agir, qui doit s’apprécier au regard de la loi nationale de l’association. Les associations demanderesses étant toutes deux de droit français, leur capacité, qui est limitée par leur objet – conformément au principe dit de spécialité des personnes morales –, s’apprécie par rapport au droit français. Dans la mesure où les associations sont, semble-t-il, toutes deux agréées au titre de la protection de l'environnement par les autorités françaises (le ministre de la Transition écologique), conformément à l’article L. 141-1 du code de l’environnement, et que leur action vise la réparation d’un préjudice écologique, cette capacité à agir ne fait aucun doute, ce que devra toutefois confirmer la juridiction de renvoi.
En tout état de cause, une leçon est d’ores et déjà à tirer : grâce à cet arrêt de cassation, l’accès aux preuves pour les associations en cas de préjudice survenu à l’étranger se trouve facilité.
Cour de cassation, civ. 1re, 9 mars 2022, n° 20-22.444
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